Sylvain Tesson – S’abandonner à vivre

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Gallimard – Décembre 2013

« On mourra seul. Il faut donc faire comme si on était seul ».
Pascal – Pensées

« En voila un qui s’étonnait de parcourir si facilement le chemin de l’éternité ; il dévalait en effet la pente à toute vitesse »
Franz Kafka – Les aphorismes de Zürau

Le propos de Sylvain Tesson se résume dans le titre de son avant dernier ouvrage « S’abandonner à vivre ».
Profiter de l’instant, du temps de la vie ici et tout de suite. Que l’on soit amants transis (Rémi et Caroline parisiens quarantenaires), amant surpris par le retour d’un mari et en équilibre précaire sur une gouttière  au dessus du vide, jeune russe envahie par l’ennui d’une vie pauvre et triste (Tatiana noie sa mélancolie dans la vodka), Emile personnage slave, truculent de rudesse et de frustration sexuelle (Tu as déjà baisé une ombre chinoise mon vieux ?)… la vie est terriblement surprenante, excitante malgré des apparences sombrement factuelles.
Alors, exister pleinement comme si on était seul et que le meilleur était simplement le temps présent ! S’abandonner à vivre ! dit-il. (Marguerite D sort de cet ouvrage).

Ces 19 nouvelles, dont le style narratif est une merveille de concision, de drôlerie et d’aphorismes acerbes décrivent des personnages attachants en proie à des coups du sort. En Europe, Russie ou Afrique chacun avec son mal de vivre, son angoisse du futur et sa recherche de solutions plus ou moins bancales pour s’en sortir. Sylvain Tesson regarde ses individualités avec amour et dérision. Faut-il subir et accepter librement ou prendre le risque de tout perdre en cherchant une sortie ? Tel est le propos, telles sont ces histoires réjouissantes que nous compte un écrivain, dont la plume est un plaisir stylistique de littérature poétique envoutante.
L’auteur recommande le pofigisme ou  la manière slave d’accueillir les évènements avec une joyeuse résignation et de profiter du présent en attendant des lendemains qui ne chanteront sans doute pas. Vodka quand tu nous tiens !

Tesson, c’est aussi le bonheur d’un style que l’on savoure. C’est une phrase que l’on relit à peine l’a t’on dégustée :
« La mort à crédit, chérie, c’est le mariage ».
La Sibérie avortait le temps, fauchait les jours »
« Les heures tombaient mort-nées »

Philippe Tesson est un écrivain, voyageur né en 1972 à Paris.
Il obtient le prix Goncourt de la nouvelle en 2009, pour « Une vie à coucher dehors » et le prix Médicis essai en 2011 pour « Dans les forêts de Sibérie« .
Sylvain Tesson est depuis longtemps stégophile, c’est-à-dire qu’il aime escalader les toitures et dans son cas essentiellement celle des cathédrales. Surnommé « le prince des chats » au sein d’un cercle d’acrobates, il passe des nuits entières sur des clochers et des flèches : à Notre-Dame de Paris, au Mont Saint-Michel, à la basilique Sainte Clotilde à Paris… « L’alpinisme permet d’accroître l’intensité de l’existence. »
Le 20 août 2014, il chute de près de 10 mètres en escaladant la façade d’une maison à Chamonix, alors qu’il séjournait chez Jean-Christophe Rufin, avec qui il pratique l’alpinisme. Victime d’un sévère traumatisme crânien et de multiples fractures, il est hospitalisé et placé en coma artificiel. Réveillé huit jours plus tard, il n’a aucune séquelle neurologique. Trois mois après cet accident voilà comment il décrit cette épreuve : «Ces trois mois de repos, de sobriété, de silence, d’examen de moi-même ont été bénéfiques ».

Il vient de publier « Berezina – En side-car avec Napoléon ».

VP

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